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L’HISTOIRE DES AURICULES, DES PLANTES QUI FASCINENT DEPUIS LONGTEMPS…

Show auricula Colbury Neat and Tidy

Autrefois une présence obligatoire dans les jardins de Versailles, vénérée par les grands peintres flamands, des botanistes, des fleuristes, collectionnée par les hommes curieux du 18ème exposée dans des  théâtres, objet de concours aux règles très pointues, la primula auricula fut aussi une des premières plantes à avoir sa propre société. Elle fut cultivée par des rois, des duchesses, des ecclésiastiques aussi bien que par des tapissiers et des ouvriers de la révolution industrielle et a une histoire fascinante. Toujours très populaires en Angleterre et aux Etats Unis, les auricules ou oreilles d’ours ont  malheureusement été peu ou prou oubliées en France. Il est temps de raviver les mémoires !

Une fleur de chez nous

Malgré son apparence exotique l’auricule que nous cultivons aujourd’hui  a ses origines pas trop loin de chez nous puisque c’est une plante qui vient essentiellement des Alpes et des Pyrénées. Il résulte du croisement entre les auricules sauvages la ‘Primula Auricula’ et la ‘Primula hirsuta’ et d’une culture intense sur plusieurs siècles qui lui ont donné sa forme moderne.

Primula hirsuta All., 1773 / Primevère hirsuteP.AURICULA

On explique la gamme énorme de couleurs et de formes de l’auricule par ses origines puisque, dans ses gênes, elle contient le jaune de la primula auricula et le pigment du rouge et bleu de la Primula hirsuta. Mais il est aussi probable que d’autres variétés de primevères aient aussi contribué à son empreinte génétique.

Comment est-elle descendue de la montagne ?

Les premières mentions de l’auricule.

On trouve plusieurs mentions de l’auricule sauvage à partir du 15ème siècle notamment par les herboristes dont certains lui attribuaient la vertu de ‘diminuer la nausée et l’étourdissement lorsqu’ on se trouve dans des hauteurs’ car, à l’époque, on considérait que l’endroit où poussait la plante avait une relation avec ses vertus thérapeutiques ! Une des premières mentions de cette plante en culture fut par les jardiniers de l’Empereur Ferdinand I à Prague ainsi que dans la République de Venise qui instaura des jardins botaniques à Pise, Padua et Florence.

Au 16ème c’est l’époque des collectionneurs et on  trouve un véritable engouement pour les plantes et les voyages botaniques. Un des écrivains botaniques les plus importants du 16ème siècle était Charles de l’Ecluse ou Clusius. Né à Arras en 1526, fils d’un noble, étudiant en théologie à l’époque où la guerre entre protestants et catholique faisait rage, il se tourna vers la botanique, une discipline moins controverse, et se dirigea vers Montpellier, un des centres des savoirs botaniques et médicaux. Après maints voyages à la rencontre d’autres botanistes et à la recherche de plantes, il fut invité par l’Empereur Maximilien II à diriger le jardin botanique impérial à Viennes. Correspondant avéré, il a aussi été un des premiers à décrire les plantes avec de tels détails.  Dans son livre ‘Rariorum aliquot stirpium per Pannoniam, Austriam et vicini’ publié en 1592, il fait référence à 7 variétés différentes d’auricules. Il s’était visiblement épris des auricules qu’il mentionna à plusieurs reprises dans ses ouvrages et correspondances.

Les collectionneurs

Au début du 17ème, petit à petit, on note que la forme auricule sauvage jaune est rejetée pour les formes qui offrent une variété de couleurs.   A l’instar de Clusisus, qui s’installa enfin à Leiden, l’auricule fut propagée à travers les Pays Bas, la Belgique et le Nord de la France.  Dans le Jardin d’Hyver par Jean Freneau en 1616, on trouve un poème dédié à l’auricule avec des illustrations mais aussi mention des ‘hommes curieux’ qui les cultivent. On entendait  par ‘curieux’ des fleuristes (c’est à dire des connaisseurs et cultivateurs de fleurs et non les vendeurs  comme on l’entend aujourd’hui, seulement neuf fleurs dont les roses, les tulipes méritaient leur attention et ont été classées fleurs de fleuriste). Mais ces fleuristes n’étaient pas de simples collectionneurs, ils  tentaient aussi d’améliorer les plantes en leur collection.

Les auricules –une fleur de la cour

Au 17ème les auricules ont fait leur apparition à Paris où les fleurs des fleuristes étaient fortement appréciées. Jean Robin était le jardinier d’Henri III, Henri IV et Louis XIII, et en 1601 il publia un catalogue de sa collection où on trouve mention de plusieurs auricules. En 1608, beaucoup de fleurs rares et désirables furent illustrées dans Le Jardin du Roy tres chretien Henry IV Roy de France par l’artiste Pierre Vallet où l’on en voit deux de teintes rouges, une blanche et une violette. A l’époque posséder une collection de plantes rares donnait un certain statut au collectionneur quelque chose que nous avons du mal à comprendre aujourd’hui. Une obsession surtout masculine et  hautement compétitive, les curieux fleuristes montraient leur bon goût pour ces fleurs et organisaient des rencontres entre hommes du même esprit. Mais c’est Louis XIV qui a mené la floriculture à des niveaux époustouflants. Paris est devenue la capitale des fleurs et à Versailles des quantités de fleurs rares furent exposées de façon somptueuse. Le Trianon était connu sous le nom de capitale des fleurs et on pensait que les fleurs apporteraient une renaissance culturelle après les guerres en Europe. Comme la cour en France était considérée comme le meneur de la mode, elle influença non seulement les autres cours d’Europe mais aussi les classes aisées. Et Valnay le contrôleur des jardins du roi inscrit les auricules parmi les plus prisées et décrit des fleurs panachées à l’origine des fleurs rayées d’aujourd’hui.

Les théâtres

A cet époque on commença à  exposer les auricules comme les belges dans des ‘théâtres’ peints en noir, parfois avec des rideaux et des miroirs sur les côtés. Difficile de dire où commença cette mode mais Charles Guénin dans son livre de 1732 parle de la ville de Tournai où l’abbé de Saint Michel proposait des visites de ses quelques quinze théâtres d’auricules !

Théâtre d'auricules

 

Elles prendront des proportions immenses – observez le théâtre toujours existant à Calke Abbey en Angleterre.

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Les auricules liégeoises

Vers la fin du 18ème siècle, il régnait une auriculomanie dans les régions de la Belgique et Pays Bas qui allait atteindre des proportions presque aussi importantes que la tulipomanie. C’étaient avant tout les auricules doubles qui étaient recherchées. En 1799 Franz August Kanngiesser publait dans la ville de Meissen une Aurifkelflora comprenant les illustrations colorées de 144 cultivars.  Les peintres également s’étaient appropriés les auricules. Ainsi  on trouve de nombreuses natures mortes par les Jan Frans Van Dael , peintre anvernois travaillant à Paris, qui représentaient des auricules. On les glorifiait dans des poèmes, elles apparurent dans les jardinières et sur les appuis de fenêtre, et les cultivars à longue tige étaient disposés en bouquets.

En Allemagne et en Wallonie des associations d’auricules commençaient à voir le jour et une revue spécialisée signalait même des vols, car une auricule correspondant à tous les critères des juges était un objet de convoitise. A la fin du 18ème le commerce de la cité de Liège commercialisait plus de 1000 cultivars ! A partir de 1850, elles perdent de leur popularité alors qu’à la même époque de l’autre côté de la Manche on s’y intéresse de nouveau.

Les auricules en Angleterre

Midland and West LogoOn explique la culture de l’auricule dans des zones bien définies de l’Angleterre par leur arrivée avec les réfugiés des persécutions religieuses dont les tapissiers flamands à partir de 1570 et les Huguenots entre 1620 et 1685. Les premières sociétés de fleuristes furent créées dès 1630 et elles organisèrent de nombreuses expositions de fleurs et furent pour beaucoup dans la popularisation de l’auricule aux 17ème et 18ème siècles. Elles furent associées aux travailleurs du Nord qui organisaient des rencontres dans des pubs, le prix le plus prisé étant une bouilloire en cuivre ! Dans le Sud, les classes aisées avaient de nombreuses collections et les pépinières spécialisées les vendaient à des prix très élevés.  Un peu délaissé lors de la révolution industrielle et avec l’arrivée de plantes plus exotiques nécessitant des serres chauffées, elles regagnèrent en popularité vers 1870. Beaucoup de variétés disparurent entre les deux guerres, mais  les sociétés d’horticulteurs spécialisés comme le National Auricula and Primula Society fondé en 1873 ainsi que certains amateurs passionnés les ont maintenus en culture et elles demeurent très populaires dans les jardins amateurs.

Les Etats Unis ont aussi leur propre American Primrose and Auricula Society fondée par Florence Bellis en 1941 ! 

Les auricules aujourd’hui

A l’aide des sociétés de fleuristes toujours en vie aujourd’hui en Angleterre et aux Etats Unis,  la réputation et la culture des auricules perdure.  Elles organisent encore aujourd’hui des concours réguliers avec des expositions épatantes. Comme vous pouvez le constatez sur le site, les auricules sont classées en plusieurs catégories -  le résultat d’une longue  histoire de classement de ces fleurs par les fleuristes et étonnamment toujours utilisées dans les concours/  expositions aujourd’hui.   Vous trouverez les règles de classement des fleurs au concours en ligne sur le site des sociétés d’Auricules et de Primevères. Ces règles strictes déterminent le classement des fleurs au concours par un système de points  détaillés selon le nombre de fleurs, la taille, la forme des pétales, etc.  

Depuis quelques années on note un regain d’intérêt pour les auricules en Europe, les Allemands en raffolent particulièrement. On a aussi de plus en plus de clients de l’Est et de la Russie donc découvrez, redécouvrez ses plantes merveilleuses mais attention vous n’y résisterez pas !  

Photos Lawson et Jason Ingram Photography - web Design : Daniel Lawson